La semaine dernière, je vous ai parlé de comment j’ai écrit le premier tableau du spectacle ! Aujourd’hui j’avais hyper envie de partager avec vous mon processus d’écriture pour le discours politique de Cléora (joué par Amélie Chauveau). C’est clairement mon passage pref du spectacle ! J’ai vraiment adoré l’écrire et le mettre en scène. En plus, Amélie l’interprète vraiment hyper justement. Hâte que vous le découvriez !
En attendant que vous le voyiez en vrai, je vous partage ici les grands principes issus du marketing politique que tu retrouveras dans le discours de Cléora (promis, no spoil !)
Cette candidate, mon héroïne
« Ce candidat ou cette candidate est-elle présidentiable ? » c’est un peu THE question. Les commentateur.ices la posent à tout bout de champ et perso, je sais que je me la pose aussi. Ai-je tord ou raison, c’est pas vraiment la question. Le fait est, qu’on le veuille ou non, elle est clairement au coeur des campagnes. Le candidat ou la candidate doit être le plus charismatique possible, incarner un leadership, tout en restant le plus humain possible. En gros, un « sang mêlé » mi-moldus, mi-sorcier. Mais un peu plus sorcier que moldus.
Je vais prendre l’exemple d’un célèbre moldus : Benoît Hamon. Je me suis en effet inspirée de son discours à Bercy en 2017, lors de l’élection présidentielle.
On constate très vite qu’il se présente tout de suite comme un leader « être le porte-parole de nos idées, de notre vision, de notre projet ». Il insiste sur « l’immense responsabilité » que représente ce poste en utilisant le champ lexical du pouvoir « Quelle responsabilité » ou encore « rendez-vous avec l’histoire ». Je me suis aussi inspirée de la façon qu’il a de s’appuyer sur son expérience. Par exemple, ce passage où Hamon se légitimise « grâce à mon expérience comme élu, comme ministre au service de l’état ».
Et c’est donc comme B. Hamon que Cléora pose les bases dès le départ.
Sans-mêlé on a dit !
Ensuite, histoire de pas faire trop peur aux électeur.ices, on contrebalance. Le héros se montre alors, lui aussi, humain. Histoire que les gens puissent s’identifier un minimum au candidat. Ici par exemple, Hamon utilise ses racines « Je sais d’où je viens. De ma famille simple et droite. J’ai reçu en héritage le goût de l’effort et l’impératif de l’honnêteté ».
Pour faire simple, les candidats doivent être comme leurs électeurs, mais en mieux. Que ce soit Hamon ou Cléora, le candidat ou la candidate doit avoir ce tout petit supplément d’âme… (comme dirait France Gall)
L’anxiété
Fini les bouquets de fleurs, on passe désormais à la phase 2 : créer de l’anxiété. Le but n’est pas non plus de te faire faire des cauchemars, mais de te montrer par A+B que tout part à volo… et ensuite tu te places en sauveur.euse. Dans la Ve République, le président c’est le Superman des DC Comics.
Pour cet axe d’écriture, je me suis inspirée du discours de Nicolas Sarkozy au Trocadéro du 1er mai 2012. Je te resitue rapidement. À ce moment, N. Sarkozy est en campagne pour sa réélection et ça se passe pas super-super… Il doit absolument convaincre qui veut bien l’entendre de voter pour lui. Sinon il sera foutu.
Il décrit alors une France très sombre. « abîmé le travail », « appauvri les travailleurs », « alourdi le coût du travail » et enfin « les tensions sont si vives, où la difficulté à s’écouter et à se parler est si grande ». Pendant de longues (loooooongues) minutes, il nous met un peu mal. À côté, L’assommoir de Zola c’est une bonne grosse poilade.
L’empathie
Comme Sarkozy, Cléora décrit sa société de façon très sombre. Si t’es dans la salle, normalement t’es pas en pleine forme à ce moment précis du spectacle. Jusqu’au moment où pop la carte de l’empathie. Coucou la lumière au bout du tunnel !
Je me suis inspirée du passage où Sarkozy promet à ses opposants d’être « force de transformation sociale », parle d’être « solidaires les uns des autres » de faire « front ensemble » pour « relever le défi »… et j’en passe…!
Un discours basé sur l’anxiété et l’empathie ça place le candidat ou la candidate comme la seule et unique solution. En gros, d’abord on met le Mentos dans le Coca et ensuite on te donne une serviette pour te sécher.
L’émotion, un levier pour convaincre
Qui se souvient de cette pub Monoprix hyper émouvante où deux enfants s’échangeaient les fameux paquets brandés par la marque ? Le paquet de gâteaux « en voilà un joli petit coeur » du début devient une histoire d’amour à la fin. Tout le monde verse sa larme et cours chez Monop’ acheter du lait parce que « lait drôle la vie » !
L’émotion, ça reste en mémoire et de fait, ça fait vendre. C’est pourquoi les candidats aiment faire verser une petite larmichette aux électeur.ices. On remplace la brique de lait par Emmanuel Macron et nous voilà à son discours politique du 10 décembre 2017 (oui, celui qui est devenu un meme).
Dès la page 1 (il y en a 15), Macron caresse tout le monde dans le sens du poil. Le but ? Rassembler maintenant et tout de suite. Il inonde la salle de « Bravo » et applaudit ses « 15 000 amis » dans la salle. Sur son heure de discours, il monte de plus en plus en puissance jusqu’à son fameux « parce que c’est notre projet !! »
Son discours m’a servi pour toute la fin de celui de Cléora. Je voulais qu’elle atteigne cette émotion si vive et puissante. Cette transcendance !
Marquer les esprits
Ces outils, s’ils sont bien utilisés, peuvent nous retirer notre capacité à remettre les choses en question. Le rêve, l’admiration et les émotions ne font pas vendre que des petits gâteaux, des président.es aussi ! C’est pourquoi, et c’est le message de mon spectacle, gardez votre esprit critique. Questionnez-vous. Gardez en tête que tout est pensé dans les moindres détails pour rendre les candidat.es les plus sexy possible à vos yeux.
Tu veux voir ça en vrai ?
Pour venir nous voir jouer, tu peux dors et déjà réserver ta place ! Ça sera du 2 au 5 février 2022 au Théâtre de la Jonquière, Paris 17. Si le covid vient (encore) décaler les représentations, pas de panique ! On rembourse illico presto.
A la semaine prochaine pour en savoir un peu plus sur mon processus d’écriture de ce spectacle ! Je vous parlerai de l’esthétisme des personnages de Cléora et Milia.
Le Festin d’Octave est écrit et mit en scène par Chanel Mentie et interprété par Amélie Chauveau, Elian Bimbocci, Margaux Roustan-Morand et Jeanne Bodelet.
Article écrit et illustré par Chanel Mentie
Sources : Le Monde / ParisMatch / Le Marketing Politique un livre de Thomas Stenger / Libération : Lettre aux Français de Hamon (2017)
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